L’héritage des frères Dominicains
« La ville de Colmar a été profondément marquée par la présence dominicaine. Dominant la ville de sa haute et austère silhouette, l’église du couvent des Dominicains constitue ainsi une œuvre majeure de l’architecture gothique.
A quelques centaines de mètres du couvent d’Unterlinden, la première pierre du chœur de l’église des frères Dominicains est posée en 1283 par Rodolphe de Habsbourg, roi des Romains, en personne. L’église est achevée durant les décennies suivantes. Les bâtiments conventuels situés au nord de l’église sont construits vers 1300.
A côté des espaces destinés à la vie de la communauté (réfectoire, dortoir, etc.), le couvent abrite aussi un scriptorium, où l’on copie et décore les livres manuscrits que les frères prêcheurs étudient; le couvent étant un centre d’enseignement et un foyer intellectuel.
Obéissant à l’esprit de leur fondateur et à la vocation de l’ordre, les Dominicains développent une intense activité de prédication et de direction spirituelle qui leur vaut l’attachement de la population urbaine. Ils créent ainsi en 1484 une confrérie du Rosaire qui réunira plusieurs milliers de membres.
La Révolution française marque la fin du rayonnement de l’Ordre de Saint Dominique avec la fermeture des couvents de la ville et la dispersion des religieux.
Les bâtiments connaîtront ensuite des affectations diverses. Convertie en magasin d’artillerie à la Révolution, l’église a été acquise en 1807 par la Ville qui en a fait une halle aux blés. Restaurée à la fin du XIXème siècle, elle a été rendue au culte en 1898.
Le couvent, lui, est transformé vers 1830 en caserne de gendarmerie jusqu’en 1871, date à laquelle les Allemands le reconvertissent brièvement en hôtel des postes. En 1873, il héberge une école préparatoire d’instituteurs qui poursuivra son activité jusqu’en 1940. L’occupant allemand investit alors le site pour y établir une Volksbücherei ou bibliothèque populaire. L’objectif pour eux est de disposer d’un outil d’endoctrinement visant la germanisation de la population. Les collections, conformes à l’idéologie nazie, sont désaffectées et en partie détruites à la Libération.
Devenu propriété de la Ville de Colmar à la Libération, mais en piètre état, le site classé partiellement « monument historique » en 1948 fait l’objet d’une importante campagne de restructuration et de rénovation jusqu’en 1951 afin de permettre l’installation de la bibliothèque de la ville. Les travaux modifient considérablement les structures intérieures du bâtiment, ce qu’accentueront encore les aménagements ultérieurs.
En 2012, le départ des collections de lecture publique vers le Pôle Média-Culture Edmond Gerrer permet à la Bibliothèque des Dominicains de s’attacher dorénavant à ses fonctions de conservation et de valorisation des très riches collections colmariennes et lui donne vocation à devenir une bibliothèque patrimoniale de premier rang. »
Voici le contexte du projet de rénovation de ce lieu fort de son empreinte historique et patrimoniale que l’agence d’architecture Ameller & Dubois et de l’architecte en chef des bâtiments de France Stefan Manciulescu ont su réhabiliter avec brio.
Le parti de restauration a visé à retrouver l’intégrité des volumes et dispositions anciennes, dans un contexte paysager assurant la cohérence des lieux. Les ouvrages, matériaux et finitions mis en œuvre pour la restauration du bâti ancien, comme les charpentes apparentes, les tuiles et lucarnes rampantes, les sols de grès rose, les doubles fenêtres en bois, les volets intérieurs -dont le coloris gris a été retrouvé sur des volets existants- évoquent toute la richesse historique de l’ancien couvent.
La salle de la Bibliothèque
La salle de travail est un « geste architectural » fort du projet, une de ses réalisations emblématiques due à la suppression du plancher des combles qui a permis de mettre en valeur des poutres apparentes de la charpente ancienne (XVe et XVIe siècles).
Cette illustration spectaculaire du parti architectural de l’ensemble restitue les volumes originels de l’ancien couvent et offre des qualités spatiales et visuelles inédites.
Tapissant toute la longueur du mur intérieur, une ample étagère propose une abondante documentation de référence et laisse l’espace libre pour les tables de consultation. En quasi harmonie avec cet environnement majestueux sans être intimidant, l’ameublement réemploie les tables de l’ancienne salle de lecture, témoins de l’histoire et restaurées par les menuisiers des ateliers municipaux.
L’atelier de reliure
En 1941, la bibliothèque est dotée d’un atelier de reliure : un service peu fréquent dans les bibliothèques mais extrêmement précieux !
Deux relieurs-restauratrices officient dans l’atelier et réalisent un important travail de proximité sur les collections, contribuant ainsi à leur longévité.
L’espace Muséographique
L’espace muséographique de 500m² emmène le visiteur dans un voyage dans le temps. Les 92 documents originaux présentés, et renouvelés régulièrement, offrent un aperçu de l’histoire du livre et de l’image en Alsace du Moyen Age au XIXe siècle .
La porte d'entrée du lieu a été déplacée pour mettre en valeur l'espace muséographique et offrir au regard ses plus beaux ouvrages.
L’ancienne sacristie s’inscrit dans ce parcours de manière magistrale. Les formes des ogives se sont imposées par les quelques lignes laissées sur les murs pour être réinterprétées et reconstruites en bois et s’appuyant sur des piliers centraux. Une porte donnant un accès visuel sur l’église confirme la pleine identité de l’espace.
Le Cloitre & les jardins
Construit vers 1300, le cloître fut dévasté par un incendie en 1458, puis reconstruit dans son style d’origine par le frère Rodolphe Fuchs (mort en 1472). Les arcades sans réseau donnent à l’ensemble une austérité, tempérée toutefois par l’abondante vigne vierge qui tapisse les murs.
Le projet architectural a inclus un traitement paysager portant sur plusieurs espaces que la société ENDROIT EN VERT a parfaitement exécuté. Les séquences paysagères proposées correspondent au parcours de découverte du site du couvent des Dominicains depuis la rue, reprenant les espaces traditionnels qui structurent le bâtiment historique, les cours et les jardins (cloître et jardin des simples).
Au cœur du site, ce jardin symbolique de forme régulière est visible depuis l’entrée et à différents niveaux du bâtiment. C’est un espace de contemplation qui met en scène quatre parterres de prairie fleurie délimités par un cordon de massifs arbustifs odorants.
Le jardin des sens et le verger terminent le parcours avec un espace rythmé de découvertes sensorielles qui mettent en valeur des plantes médicinales et condimentaires, dans l’esprit d’un jardin médiéval.
On découvre aussi sur la façade du bâtiment les traces d’un passé laissées volontairement afin de garder l’histoire du lieu.
L’annexe
De faible intérêt patrimonial et architectural, son emplacement offrait cependant l’opportunité de disposer d’une surface importante pour abriter des fonctions d’accompagnement ou de réserves et de libérer les espaces historiques du couvent pour l’accueil des publics, la valorisation et les fonctions de lecture et étude.
Reconstruit entièrement dans un gabarit proche de l’édifice ancien, le bâtiment annexe a son prpre vocabulaire architectural. Il apporte au site une touche contemporaine et chaleureuse grâce à son bardage en bois brûlé. Il abrite sur deux niveaux de sous‐sol et trois aériens l’essentiel des collections dans des magasins qui comptent 9 kilomètres linéaires. Ces locaux de conservation bénéficient d’un système de régulation thermique et hygrométrique performant. Une passerelle aérienne relie le premier étage au couvent et contribue à la valorisation d’une identité visuelle plus forte.
Le parvis a aussi fait partie de l’ensemble de la restructuration pour ouvrir complètement le lieu sur la ville, sans grilles ni murets, il invite le visiteur à se diriger vers l’entrée du bâtiment sans encombres et y découvrir des merveilles !
THM & https://dominicains.colmar.fr/
Crédits photo : THM
Articles Inspiration
-
FAITH RINGGOLD
12 juillet 2024« Vous ne pouvez pas rester assis et a…
-
ANGELS LISTENING
8 mai 2024Angels listening - you are not alone by Rachel Le…
-
UNE HISTOIRE DE MOULIN
29 février 2024L'histoire du moulin à "Poivres" de & …
-
UNE NUIT A LA VILLA MEDICIS
13 janvier 2024La célèbre Villa Médicis, de…
-
CATHERINE : TEXTILES RAISONNES
10 novembre 2023Il manquait sans doute au textile d’ameuble…
-
POW-WOW by FOUR WINDS
8 juillet 2023« Four Winds », une associa…
-
« TEGEL » … la brique inspire !
12 mai 2023La brique inspire... Lors de la Semaine du desig…
-
HYPERREALISME, L’AUTRE EXPRESSION DE SOI
5 mars 2023Quoi de plus difficile que de prendre modè…
-
PARADISO
8 janvier 2023C’est l’histoire d’un palais au…
-
LE VEGETAL
12 septembre 2022Peut-être l’avez-vous vu aux beaux-ar…
-
LE PAVILLON BAP2022 !
2 juin 2022Il fallait du talent et de bonnes convictions pou…
-
VERY PERI
12 mars 2022Chaque année la société am&e…
-
NADIA ALBERTINI : PASSION & BRODERIES
11 novembre 2021Que pensez-vous que ces quatre belles actrices, M…
-
20 ANS DE BOIS
9 septembre 2021Article du 13 SEPTEMBRE 2021 A l’aube du X…
-
QUOI DE NEUF A PARIS ?
12 juillet 2021En ce début d’été 2021…
-
LES PÊCHERIES
14 mars 2021Parcourant le chemin des douaniers de Pornic aux …
-
MAISON AMALRIC
11 novembre 2020Quand deux sœurs se retrouvent et travaille…
-
SURPRISES AU SOUBISE
12 septembre 2020La vue est grandiose en franchissant la grande po…
-
A OTTILIA
11 juillet 2020Vous connaissez forcement son père et un d…
-
UN ETAT DE GRACE !
11 mai 2020Quand le confinement de certains rime avec bonne …
-
UNE HISTOIRE DE PORTRAITS
11 mars 2020Dans les premières décennies …
-
TOUR DE VERRE
11 janvier 2020Frédéric Jung... D'emblée, …
-
PARIS-AUTEUIL-LES SERRES…
10 novembre 2019Le court Simone Mathieu de Roland Garros, nomm&ea…
-
"UNDER" UNE NOUVELLE CURIOSITE
12 septembre 2019Quand l’architecture se mêle à…
-
CAROLINE BESSE OU L’EVASION ARTISTIQUE
12 juillet 2019Quelle maitrise se dégage des &oel…
-
UNE HISTOIRE DEPUIS 1736 !
11 mai 2019Il est parfois des « savoir-faire …
-
MAISON AURELIA BELLITI
13 mars 2019Certaines rencontres ne sont pas le fruit du hasa…
-
CARLOS BIGGEMANN PHOTOGRAPHE
13 mars 2019Du haut de ses 28 ans, Carlos est aujourd’h…
-
LA MATIERE REVELEE
12 janvier 2019ELISSA LACOSTE Elissa ne craint pas d'en…
-
VILLA TUGENDHAT, UN ESPACE POUR L’ART ET L’ESPRIT
12 juin 2018Construite aux abords de la ville de Brno en R&ea…
-
CHÈRE LOUISE-CATHERINE,
8 avril 2018CHÈRE LOUISE-CATHERINE, &nbs…
-
AUTREMENT LA LUMIERE
14 janvier 2018Sylvie Marechal sculpteur de lumière L&rs…
-
VANESSA BALCI ou la RE(de)COMPOSITION PLASTIQUE
12 novembre 2017Bordelaise de naissance Landaise par essence Ba…
-
…LE SON JUSTE…
12 juillet 2017Créateur de bien-être… Mais d…
-
LE MUSEE DEUX EN UN
11 mai 2017La piscine Art Deco devient musée tout en …
-
MARIE DANS LE METRO
13 mars 2017A l’écouter on pourrait croire une j…
-
POINTILLISME EN FACADE
12 janvier 2017Soleil vert à Grande-Synthe&hellip…
-
CLASSIQUE REINVENTE
12 décembre 2016Piscine de Meudon, 13h années 90… …
-
FIT by ANTONY GORMLEY
21 novembre 2016A l’ombre de la gigantissime tour «Sh…
-
BASSINS ET AUTRES LIEUX D'EAUX
10 octobre 2016Notre planète est couverte à 70% pa…
-
LA RONDEUR DES TENDANCES
11 septembre 2016On connait la rondeur de la terre, des mots, d&rs…
-
L’AUDACE DES TSARS
8 juin 2016« De l’audace, encore de l&rsquo…
-
NOUVELLES MOEURS AU TERTIAIRE
12 mai 2016CO-WORKING, CORPOWORKING ET TIERS LIEUX La r&eac…
-
VINCENT DE PAUL, REVIENS-NOUS
13 avril 2016Dans hôpital, on entend bien hospital…
-
LE PARFAIT VOYAGEUR…
14 février 2016Il faut des recherches poussées pour que c…
-
LE BLANC par Annie Mollard-Desfour
11 janvier 2016« Le Blanc » est le cinqui&…
-
EPHEMERE AU PIED DES IMMORTELS
13 décembre 2015Sur les pavés, la glace… En …
-
PIRATE EN FRICHE : Land Art participatif
13 octobre 2015Carrières-sous-Poissy, ancienne ceinture m…
-
LA CUISINE, CA S'IMPROVISE?
13 septembre 2015Cet espace à vivre qui s’imp…
-
FENG SHUI : LE VENT ET L’EAU
13 juillet 2015Il nous aura fallu attendre le milieu des ann&eac…
-
ANNIE MOLLARD-DESFOUR: DU BLEU PAS SEULEMENT …
12 juin 2015Annie Mollard-Desfour a commencé par le bl…
-
INSPIRATION VARAPE EN VILLE
13 mai 2015Qui n’a pas été tenté …
-
LA MANUFACTURE INSPIRE…
13 mars 2015La manufacture Catry inspire depuis 1912 les cr&e…
-
QUAND L’ARCHITECTURE RASSEMBLE…
13 février 2015ARCHINOV offre lieu de réflexion et de d&e…
-
LES AVENTURIERS DE LA RECHERCHE
12 janvier 2015La question du OU ? est révolue : les…
-
TRAIT COUTURE: OLIVIER LAPIDUS
13 décembre 2014Le trait m’accompagne comme une sorte d&rsq…
-
DEUX ARCHITECTES EN CHAMBRES A PART
12 novembre 2014Un beau tandem d’architectes réunies…
-
TRAFIC …COMPORTEMENTALE ATTITUDE !
13 octobre 2014Trafic fluide, saturé, interrompu ... notr…
-
SA QUETE EST PERMANENTE...
13 septembre 2014CETTE RENTREE EN MARQUE UN JALON Bernard ROTH es…
-
VOLER DE SES PROPRES AILES
14 juillet 2014Un rêve dont Jacques fait une aventure pass…
-
XXIe SIECLE, PARIS OSE LA COULEUR
11 juin 2014LA TOUR BEAUGRENELLE L’architecte Je…
-
LES GOURMANDINES D'EUGENIE
12 mai 2014EUGENIE DENARNAUD A CHAUMONT SUR LOIRE C’e…
-
ALU, INOX ET CORIAN : LES NOUVEAUX TEXTILES DE LA VILLE
13 avril 2014Elle parle de la texture travaillée, dessi…
-
AUTRES ATTENTES, AUTRES DEFINITIONS
11 mars 2014Tout est dans tout et nous devenons exigeants&hel…
-
LE LOUVRE, LES GENIES DU LIEU
4 mars 2014Tout objet, tout sujet, tout œuvre est per&…
-
LE COLLECTIONNEUR
10 février 2014SONO GIA MILLE TRE…. C’est vite comp…
-
PATRIMOINE EN CREATION
31 janvier 2014Premières lueurs, froidures hivernales, pe…
-
PATRIMOINE-REINVENTE : LE CHATEAU DE VERSAILLES
12 janvier 2014Thierry Virvaire s’empare de Versailles pou…
-
D'UNE VILLE A L'AUTRE , la Chine à grande vitesse...
18 décembre 2013La Chine à grande vitesse… …
-
DANS LA VILLE EN VOL : Les anamorphoses de Charles Maze
13 décembre 2013C’est la Ville qui l’inspire… …
-
2016: LE STREET ART, UN ART INSPIRE? UN ART ASPIRE?
11 novembre 20132016 Article publié en AoÛt 2…
-
LETTRE A L'INCONNUE
13 octobre 2013Hasard de déambulations nocturnes …
-
LES TEMPLES MAYA
13 septembre 2013Les temples Maya et particulièrement la py…